samedi 30 juin 2007

Dossier : Courants d’influences graphiques


On peut établir plusieurs lignes d’influences assez étonnantes. L’une d’elle concerne l’estampe japonaise, l’Art Nouveau et le manga. Trois époques, trois expressions artistiques qui relient l’Occident et l’Orient par de multiples courants d’influences. Ces lignes de convergence liant l’Asie, l’Europe et l’Amérique nous rappelle qu’aucune œuvre ne se crée ex nihilo : elle naît toujours du souvenir d’une œuvre antérieure. Nous vous proposons donc un cours voyage oscillant entre le Japon et l’Occident, de l’époque Edo (1603-1867) jusqu’à nos jours, pour découvrir les courants d’influences reliant l’estampe, la BD, le dessin animé des années 1920, l’Art nouveau et la BD contemporaine.



Origines Graphiques :

L’époque Edo constitue deux siècles de calme relatif, durant lesquels apparaissent de nombreuses innovations artistiques. Elles sont liées à l’essor d’une classe moyenne, avide de plaisirs et de raffinements. Face aux écoles traditionnelles de peintures se développe l’estampe ou, pour employer le terme japonais plus poétique l’Ukiyo-e, « tableau du monde flottant ». Tandis que la pratique et la jouissance des styles de peinture les plus anciens étaient souvent réservées aux seuls nobles, l’Ukiyo-e s’adresse à un public plus large en puisant son inspiration et ses sujets dans le monde du plaisir (geisha et kabuki), la vie quotidienne, la nature, la mythologie, ou en s’adonne à des pastiches de toiles célèbres.

L’estampe japonaise, comme la peinture, participe d’une conception non mimétique de la réalité. Alors que l’art occidental est fondé sur le clair-obscur, l’art japonais s’appuie sur le jeu des lignes, des arabesques pour, non pas représenter la réalité, mais l’évoquer. Il s’agit de la suggérer et d’en donner une représentation poétique. Cette absence de soucis d’imitation de la nature explique sans doute pourquoi on reproche aux estampes japonaises leur uniformité, le faite que les visages se ressemblent tous. De même, on reproche aux mangas son manque de diversité et de « réalisme ». En faite il n’existe pas d’obligation de prima facies dans le dessin japonais, puisque la nature ne doit pas être imitée, mais évoquée.

Les aspects caricaturaux du manga dérivent sans doute de l’estampe et plus précisément du style Tobae. Héritier de ce dernier type de dessin humoristique, les kibyoshi (à couvertures jaunes) sont des recueils d’illustration ornés de textes qui constituent de petites histoires. Ils étaient fort appréciés au début du XIXe siècle. On peut y voir un ancêtre encore plus proche du manga. Ainsi, la BD et l’animation japonaises héritent d’une tradition picturale basée sur les jeux de lignes et d’aplats. On peut comparer l’utilisation des trames à celle des zones de couleurs dans l’estampe.

La relation graphique entre l’Ukiyo-e et le manga moderne a été explorée par Sugiura Hinako. Dans Asaginu publié dans le magazine Garo en 1981, elle imite le style graphique de l’estampe japonaise de l’ère Edo. Cette mangaka s’est aussi essayée à reproduire le style graphique et le format kibyoshi dans Hanageshiki Kitsune Kodan.

Une dernière similitude est remarquable entre l’estampe et le manga. Grâce à la technique de la gravure sur bois, l’Ukiyo-e est accessible à tous. Si, pour les tirages à grand public, du papier torchons est utilisé (comme de nous jour pour les magazine de prépublication), pour les tirages plus soignés, on emploie un papier très épais permettant le gaufrage, l’addition de poussière d’or, d’argent, de cuivre ou de mica. De même, aujourd’hui, les séries à succès bénéficient d’une édition de luxe avec des pages couleurs inédites.



Le Japonisme :

Durant la période Meiji (1868-1912) et la Belle Epoque (début XXe), l’Ukiyo-e suscita un engouement considérable auprès du public et des artistes européens. Il amenait de l’exotisme, et la découverte d’une forme différente d’appréhension du monde par le dessin. L’estampe fut une révélation pour de nombreux artistes comme Van Gogh (qui recopia de nombreuses estampes d’Hokusai et d’Hiroshige), Manet, Gauguin, Degas, Toulouse-Lautrec et les Nabis, pour ne citer que les plus connus. L’estampe apportait du sang neuf à un art qui s’enlisait dans la morne répétition des styles des siècles passés. L’art occidental se tourne ainsi vers l’Orient pour trouver un second souffle, comme il s’inspira de l’art africain pour se renouveler après la Première Guerre Mondiale.

Le terme « Japonisme » désigne les courants artistiques de la fin du XIXe, inspiré par les estampes, motifs et objets d’art japonais. L’influence japonaise remarquable au niveau des formats des tableaux utilisés ; carré ou rectangulaire en hauteur (proche des kakemono japonais) est surtout notable dans le domaine technique. La ligne, la courbe et l’irrégularité de forme sont misent à l’honneur. La synthèse et l’esthétique décorative priment sur la recherche du détail. La profondeur est niée au profit de l’utilisation d’aplat de couleurs. Le « cloisonnisme » de Gauguin consiste notamment à cerner des aplats, à délimiter par un trait, ce qui rapproche cette technique à la fois de l’estampe japonaise et du vitrail.

Le japonisme englobe, entre autres, l’Art Nouveau, reflet de la Belle Epoque, qui disparaît avec elle. Comme l’Ukiyo-e, son développement est lié à l’essor de la classe moyenne et à la volonté sociale de mettre l’art à la disposition de tous. Les diverses expressions de l’Art Nouveau varient selon les particularismes nationaux et les tempéraments des artistes. Mais elles se distinguent toutes par un fort naturalisme, une stylisation végétale, une composition décorative et une volonté de synthèse. Ce courant aux noms multiples (Modern Style, Jungenstil) tend à abolir les frontières entre arts graphiques et arts libéraux. Il englobe aussi bien la céramique, le mobilier, la joaillerie et l’affiche que la sculpture, l’architecture ou la peinture.

Pour les japonais, l’artiste le plus représentatif de l’Art Nouveau semble être Mucha, auquel une grande rétrospective fut consacré à Tokyo en 1983. Dès 1900, plusieurs de ses affiches sont d’ailleurs redessinées pour faire la couverture de magazines d’art japonais. Curieusement, Alphonse Mucha leur apparaît comme un artiste représentatif de l’art occidental, alors qu’il s’inspire directement de l’Ukiyo-e.

L’influence de Mucha sur les artistes japonais fut sans doute déterminée par l’exubérance de ses arabesques, ses courbes élancées qui rappellent le tracé curviligne des estampes. A la fascination des européens de la Belle Epoque pour l’Ukiyo-e répond à l’admiration des japonais pour Mucha et l’Art Nouveau.



L’influence de Mucha :

Le style de Mucha, difficilement exploitable dans les BD en général, se retrouve surtout dans les illustration et les supports publicitaires. Ce n’est guère étonnant car les dessins de Mucha sont souvent destinés à faire de la publicité de produit ou de pièces de théâtres. Aussi retrouve-t-on des images inspirées de cet artiste européen aussi bien dans le domaine de l’animation que celui des mangas. Clamp est certainement le groupe d’artiste le plus inspiré par Mucha. Elles utilisent des cadres Art Nouveau et des compositions à la Mucha dans la plus part de leurs illustrations de RG Veda, X et Magic Knight Rayearth. Fujishima Kosuke s’inspire tout particulièrement de Mucha pour son Ah ! My Goddess, ses héroïnes se parant de robes au nombreux replis, et dont les chevelures aux multiples arabesques n’on rien n’a envier aux femmes de Mucha.

De même que Klimt avait exercé une influence bénéfique sur le monde de l’heroic fantasy du Slaine (1989) de Simon Bisley, Mucha est une source d’inspiration pour le monde heroic fantasy de Lodoss ou Elver Z de Mikimoto, et bien d’autre. L’influence de Mucha est si flagrante qu’il vous suffit de comparer les images. Mais force est de constater que souvent des illustrations à la Mucha se révèlent n’être que de simples démarquages de peinture de Mucha. C’est le cas d’une série de portrait de Sailor Moon, assise dans un cadre Art Nouveau simplifié, et dont les poses sont calquées sur celles des femmes de la série Les Pierres Précieuses de Mucha.

Notons enfin les nombreuses variations apportées au cadre végétal « Art Nouveau » par les mangaka. Katsura Masakazu et Clamp emploient notamment des formes décoratives biscornues pour les divers cadres mettant en relief leurs personnages.



Occident, échanges d’influences :

Le manga et l’animation japonaise inspirent de nombreux dessinateurs occidentaux, et non des moindres. Rappelons que la diffusion de nombreuses séries télévisées japonaise dans les années 60 et 70 avait créé un important marché potentiel pour le manga. Des séries telle que Robotech, firent l’objet d’adaptations en BD par des dessinateurs américain. Contrairement aux adaptations françaises (Goldorak, Albator ou Capitain Flam), celles des Etats-Unis étaient prisent au sérieux, et l’adaptation d’anime en comics s’est poursuivit avec des titres comme Dirty Pair (1989) et Bubblegum Crisis de Warren, ou Project A-Ko et Cyber City, diffusés par un éditeur spécialisé dans l’adaptation, CPM Comics. Ces BD reprennent à peu près le graphisme japonais original, mais sont des œuvres originales dessinées par des Américains. D’ailleurs, Bubblegum Crisis comme Dirty pair sont initialement des animes qui n’existent pas sous forme de manga.

L’un des premiers artistes américain influencé par le manga est frank Miller, créateur de Sin City (1993). Grand admirateur du Lone Wolf and Cub (Kozure Okami) de Koike et Kojima, Miller créa, en outre, des couvertures inédites pour la version américaine de ce manga, dont il écrivit aussi la préface. Il s’en inspire également pour son comics, Ronin (1989). C’est grâce à lui que les éditeurs et le public américains s’intéressèrent sérieusement au manga. Pour les autres dessinateurs américains, il est nécessaire de parler de l’influence croisée de l’animation et du manga. Les artistes américains, comme ceux de l’Europe, sont tributaires des éditeurs de mangas et d’animes traduits, ce qui explique que les créateurs qui soulèvent le plus d’enthousiasme aux Etats-Unis ne sont pas toujours les même que de l’autre coté du pacifique.

L’influence du manga et de l’anime sur le comics est telle qu’elle a fait l’objet de deux articles dans le magazine américain Wizard à moins e 6 mois d’intervalle dès 1996. A ces occasions, ont été interrogés sur leur passion du manga et de l’anime plusieurs artistes en vogue : Madureira (Uncancy X-men), Campbell (GEN 13), Tucci (Shi), Ramos (Impulse), Adams (Godzilla), Pulido (Lady Death) et l’incontournable critique, Scott McCloud. Il en ressort, sans grande surprise, que les principales œuvres japonaises les ayant inspirées sont Akira pour l’anime et Ghost in the Shell pour le manga. Comme en Europe, l’auteur de ce dernier, Shirow Masamune, jouit d’une très grande popularité. Aux cotés de Shirow et d’otomo, ontrouve des artistes comme Katsura (Video Girl Ai), Fujishima (Ah ! My Goddess), Sonoda (Gunsmith cats), alors que Tezuka et Go Nagai ne sont cités que par deux personnes. Du côté de l’animation, Ninja Scroll remporte un vif succès aux côtés d’autres animes du studion Mad House (Gunnm, La Cité Interdite ...)

Parmi d’autres exemples de collaboration ou d’hommages, on pourra noter la parution aux US de devilman, manga de Go Nagai, a donné lieu à de réjouissantes couvertures inédites dessinées par Frazetta et Bisley. Mike Mignola, admirateur de Terada Katsuya (Blood, Sayukiden), lui confie le desing des monstres pour l’adaptation de Hellboy. Le développement du manga et de l’anime dans ce pays favorise les collaborations entre Japonais et Américains, au point que certain mangaka s’expatrient aux US (Asamiya).

En France, Jorodowski et Moebius on fait office d’ambassadeurs du manga et de l’anime dans les années 80 et 90, le créateur d’Arzach étant d’ailleurs interviewé à tout propos sur la BD japonaise. Parmi les artistes inspirés du manga, on peut citer Marini (Gipsy, Rapaces), qui revendique d’ailleurs l’influence japonaise sur son œuvre. La série Aquablue de Vatine, emprunte au manga les lignes de mouvements et certains Mecha ne sont pas sans rappeler Patlabor.

De son côté Glenat avait proposé des BD dont le graphisme se veut similaire à celui des mangas : HK (1996) et Nomad (1994). Casterman, en collaboration avec le mangashi nippon Morning, a plutôt cherché à métisser la BD franco-belge et la japonaise, avec des titres comme l’Autoroute du soleil (1995) de Baru. C’est également une démarche adoptée par Boilet. Du côté des amateurs, l’ancien mensuel Yoko avait publié des BD inspirées par le graphisme du manga et des animes. Aujourd’hui c’est le tour du mensuel Coyote. On observe qu’un grand nombre de dessinateurs amateurs adoptent un graphisme nippon. Leur travail sur les divers types de support visuels pour l’habillage de convention de fans est un exemple de leur assimilation du graphisme japonais et d’une bonne maîtrise du dessin.

Si beaucoup de personnes ont pu avoir peur de ces deux médias japonais, comme on avait peur des comics dans les années 60, ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’ailleurs, de nombreux éditeurs semblent n’y voir qu’une source de profit facile, le mot manga déliant le cordon de toues les bourses. Le fait que des entreprises appartenant à des domaines très éloignés de l’édition se servent de visuels reprenant le graphisme nippon en est une preuve.

Qu’en est il de l’influence de la BD occidentale sur le manga ? Elle concerne surtout les comics et touche surtout le domaine de la SF et de la fantasy. Katsura, grand fan de Batman, entraîne les personnages de Video Girl Ai à une séance de cinéma où est diffusé Batman. N’oublions pas Zetman dont le graphisme et l’atmosphère s’inspire énormément de l’œuvre de Bob Kane et Bill Finger. Dans Gunnm on note la présence du héros de Slaine. Il existe aussi diverses réinterprétations de super héros américains par les mangaka, telles que Batman par Otomo et Asamiya, Spiderman par Ikegami, ou les couvertures représentant Wolverines par Terada.

Ainsi, le manga apporte un second souffle aux comics et à la BD franco-belge, une approche narrative et picturale différente. L’influence qu’il exerce dans le monde de la bande dessinée est en ceci presque comparable à celle de l’estampe sur l’art européen de la fin XIXe siècle. Inversement, les comics sont une source d’inspiration pour le manga, qui s’enlise parfois dans les stéréotypes stériles.



En conclusion, de ce parcours entre l’Orient et l’Occident, on peut considérer que l’influence entre artistes du manga, des comics et du franco-belge devrait s’accroître. Certains s’inquiète déjà du risque d’uniformisation de la BD mondiale, qu’elle se fasse au profit du manga ou de tout autre type de BD. Ce serait déplorable, puisque ce sont les différences qui font la richesse. Un artiste de talent restera toujours celui qui saura tirer le meilleur d’un genre pour créer un style personnel.

Mais plus que l’influence graphique, il faudrait analyser l’influence des modes de narration du manga et de l’anime sur la BD et le dessin animé. Ce n’est pas seulement au niveau de la représentation que les médias japonais apportent un souffle nouveau, c’est aussi dans la manière d’envisager le découpage des cases, la mise en page et la façon de raconter.

Profil : Ôtomo Katsuhiro


Né en 1954 dans la province agricole de Miyami, situé à plusieurs centaines de kilomètres de Tokyo, le jeune Ôtomo Katsuhiro est un fou de cinéma et de bande dessinée qui se lance dès la fin du lycée, à l’assaut de la capitale, avec la ferme intention de devenir mangaka. En 1973, il publie dans le magazine Action Comics sa première histoire, Jûsei, une adaptation de Mateo Falcone et Prosper Mérimée, et réalise par la suite quantité d’histoires courtes, forgeant son dessin semi réaliste, innovant notamment dans la représentation des visages. Mais outre une patte inimitable, Ôtomo se distingue par le choix de ses sujets et le ton de ses récits. S’il aborde volontiers à ses débuts les genres canoniques du manga, il se tourne rapidement vers un style d’histoire totalement personnel, à mi chemin entre la chronique de mœurs et le registre satirique.



Habitant la banlieue populaire de Tokyo, il se plait à décrire, avec humour acerbe, le quotidien des étudiants désargentés, jeunes couples avec enfants, yakuza miteux et autre paumés en tout genre qui la peuplent. De la soirée arrosée entre pote qui dégénère à une tentative de viol calamiteuse, en passant par le quotidien de SDF complètement allumés, chacune de ces histoires est un moment d’anthologie, le tout découpé et mis en image avec un talent alors en pleine explosion. Ce qui est certain, c’est qu’entre 1973 et 1982, Ôtomo va publier plus d’une soixantaine d’histoires courtes, autant de trésor qu’il nous reste encore à découvrir. En 1977, il entame son premier récit d’envergure, Sayonara Nihon, qui relate les aventures d’un karatéka nippon à New York.

En 1979, Ôtomo s’essaie pour la première fois à la science fiction avec Fireball, tandis que paraissent les deux premiers recueilles d’histoires courtes, Short Peace et Highway Star. L’année suivante on voit le lancement de Domu (Rêve d’enfants en VF). Ce thriller fantastique situé dans les grands ensembles de la banlieue de Tokyo permet à Ôtomo de roder certaines thématiques que l’on retrouvera dans Akira, ainsi qu’un mode de narration inspiré par le cinéma. C’est le « Choc Ôtomo » : ce récit lui vaut le Grand Prix japonais de la science fiction, et le dessinateur est catalogué chef de file d’une nouvelle vague du manga. Les deux années suivantes, Ôtomo diversifie ses activités : il écrit des scénarios pour d’autres dessinateurs, réalise des illustrations pour des magazines et se consacre à son premier long métrage live : Jiyuu o Warerani. Le 20 décembre 1982 voit le début de la prépublication d’Akira dans Young magazine : l’œuvre monopolisera quasiment l’auteur jusqu’en 1990.



Même si l’on peut regretter que les qualités humaines et l’humour qui faisait l’originalité de la première période d’Ôtomo se soient perdus en chemin, on ne peut que s’incliner cette fresque de SF visionnaire. L’auteur y décrit une jeunesse survoltée et suicidaire, dans laquelle vont se reconnaître des milliers de lecteurs, Akira devenant un des rares best-sellers mondiaux de la BD. Ôtomo au sommet de son art, déploie une science achevée de la narration et dépeint un Tokyo Post-apocalyptique avec un nombre de détails impressionnant. Véritable superproduction en BD, Akira, frappe par sa violence nihiliste et le réalisme des dévastations, qui culmine lors des séquences de destruction de la ville, véritable vision de fin du monde.



Exceptés les scénarios de Rojin Z et Mother Sarah (respectivement dessinés par Okada tai et Nagayasu Takumi), Ôtomo se désintéresse par la suite de la bande dessinée, sans doute parvenu à une forme d’aboutissement avec Akira et accaparé par ses projets dans le domaine du cinéma d’animation.



Oeuvres:

-Mangas:

1973: A Gun Report
1979: Short Piece
1979: Highway Star
1979: Fireball
1981: Good Weather
1981: Sayonara
Nippon
1981: Hansel and Gretel
1982: Kibun wa mo senso

1982: Boogie Woogie Waltz
1982: Jiyu o warera ni{{{diac}}}
1982-1990 : Akira (prépublication dans un magazine)
1983: Dōmu
1987: The Order to Cease Construction{{{diac}}}
1987: Coming Soon
1987: See You Again
1987: Robot Carnaval (Roboto kânibauru)
1991: Zed (scenario)
1995: Akira Club (Artbook)
1996: SOS Dai
Tokyo Tankentai
1996: Cannon Folder
2002: Hipira-kun (scénario)


-Films:

1988: Akira
1990: Memories (Un sketche sur les trois que comporte le film)
1991: World Apartement Horror (Warudo apaatoment hora{)
1991: Rōjin Z (scénario)
2001: Metropolis (scénario)
2004: Steamboy
2006: Freedom Project

Naru Taru



Quand une jeune fille part en vacances retrouver ses grand-parents, elle est loin de se douter y rencontrer une créature qui changera non seulement sa vie, mais aussi ses réactions et sa mentalité en la mettant dans des situations difficiles pour son jeune âge. Quand l'innocence d'une gamine vole en éclats, Mohiro Kitoh se fait un plaisir de nous le transmettre.




Shiina est une fillette en dernière année d'école primaire. Comme à l'accoutumée, elle se rend chez papi-mami pour y passer une partie de ses vacances d'été. Dynamique, sportive et complètement naïve, celle-ci passe ses journées en compagnie des enfants du coin.
Lors d'un défit de natation, Shiina manque de se noyer, emportée par le courant et l'épuisement. Alors qu'elle sombre dans les profondeurs de la mer, elle rencontre celui qu'elle baptisera Hoshimaru, une sorte de petit animal tout mignon en forme d'étoile (Hoshi = étoile). Après son réveil, elle le retrouve et il décide de l'accompagner.
C'est ainsi que la fin des vacances de Shiina arrive et qu'elle s'apprête à retourner à sa vie « normale ».


L'histoire de Naru Taru débute d'une façon des plus innocentes qui soit : jeune fille rencontre petit monstre aux alures de peluche, qui possède tout de même quelques capacités étonnantes. Il vole, il se déforme et semble bien attaché à la petite Shiina. Là où l'anime traine un peu en longeur au démarrage, le manga met tout se suite en scène des personnage d'une importance relative pour le futur de notre héroine et qui semblent en savoir long sur Hoshimaru. Toujours d'un âge inférieur à une quinzaine d'années, ceux-ci semblent aussi posséder une créature aux airs étranges et variés, et qui semblent parfois très dangereuses...




Là, l'histoire débute : les créatures ne sont pas toutes aussi gentilles et mignones qu'on le croit dans un premier temps. Commandées par des gamins, elles tuent, massacrent et détruisent. Malheureusement pour elle, Shiina est bien souvent au centre de ces actes et doit faire face à la mort bien assez tôt. Des gens meurent devant elle, et elle devient aussi la cible de certaines attaques. Mais qui pourrait la croire ? Qui pourrait la soutenir ? Personne. Ni son père, ni Akira, une jeune fille suicidaire elle aussi en possession d'une de ses créatures bizarre qui montre bien souvent une indifférence et un détachement bien triste face aux situations où Shiina est en danger. Non, Hoshimaru reste son seul soutien, mais comment réagira-t-elle lorsque celui-ci devra tuer pour la protéger ?




Car c'est bien là le point central de l'histoire. Kitoh semble prendre un plaisir malsain à trouver mille et une façons de réduire en bouille la gaieté et l'innoncence de la petite Shiina. Des situations de plus en plus difficiles et choquantes, pour l'héroïne comme pour le lecteur. Finalement, le contraste entre les traits doux et enfantins de Shiina accompagnée de sa peluche magique est énormé comparé aux scènes de massacres dont elle est témoin. Et cette différence autant marqué par le dessin de Kitoh que par le choix de ses personnages. Les plus touchés sont des fillettes d'une dizaine d'années, confrontées à des situations profondément malsaines n'ayant qu'un seul but : réduire à néant leur doux âge d'innoncence.




Choquant. C'est l'adjectif qui décrit le mieux cette histoire : le lecteur est choqué face à ces situations où même un adulte ne sortirait pas phychiquement indème, alors une fillette... Mais c'est sans doute là le principal intêret de Kitoh : choquer le lecteur, le faire réagir, car dans notre monde, bien des enfants peuvent eux aussi être confrontés aux mêmes situations.


Note explicative :
Naru Taru est à la base un manga en 12 volumes qui a commencé à être édité par Glénat, qui stoppa cependant sa parution après deux volumes suite aux scènes très choquantes que l'on y trouve. L'anime quant à lui laisse un peu sur sa faim et ne répond aucunement aux questions que l'on est en droit de se poser. Glénat détennant toujours les droits de la série, nous sommes actuellement dans une impasse pour connaître le dénouement de l'histoire.

vendredi 29 juin 2007

Test : Neon Genesis Evangelion


Au premier abord, la série Neon Genesis Evangelion s’apparente à un anime de robot traditionnel. En 2015, après le « Second Impact », catastrophe qui a changé le visage de la Terre, un nouveau danger guette l’humanité. Des entités nommés « Anges » attaquent délibérément Tokyo III. Les seules armes efficaces sont des « robots » géants nommé Evangelion ou Eva. Ils sont pilotés par des enfants de 14 ans placés sous le contrôle d’une mystérieuse organisation, la Nerv. Bien des allusions à la mystique chrétienne et à la kabbale jalonnent les épisodes, contribuant à épaissir l’énigme qui entoure l’organisation. A ces questions s’ajoutent celles qui concernent les Evas. De quoi sont il/elle la copie ? Pourquoi l’Eva-01 peut elle échapper à tout contrôle ? Au fil des combats, l’Eva semble plus dangereuse pour l’humanité que pour les anges.



A partir de la seconde moitié de la série, l’intrigue de type SF est reléguée au second plan, faisant place à des interrogations sur la définition de l’Homme et des relations sociales. Le scénario se focalise sur Shinji, héros introverti redoutant le contact avec autrui. L’aspect psychanalytique se renforce progressivement, et la fin de série a suscité une vive polémique au Japon, au point qu’un dénouement différent (ou complémentaire) a été proposé sous forme de film.



Destiné initialement aux fans de Mecha, l’anime, mené de main de maître par Anno Hideaki, a su conquérir un vaste public pour renouveler le genre du « robot géant ». Le graphisme élancé suggérant la vélocité et l’agressivité de l’Eva, l’interface psychique avec le pilote immergé à l’intérieur de l’Eva comme le foetus dans le ventre maternel, la révélation de la véritable composition de l’engin... Tout ceci a marqué les esprits au point que de multiples séries copient l’idée du robot vivant, l’intrigue basé sur les relations humaines ou encore le tempo propre à la série, qui alterne passage très lent et scène de combats, dont la rapidité et la violence paroxystique sont soulignées par une fluidité d’animation époustouflante.



Profitant de son excellente connaissance du milieu des fans dont il est issu, Anno s’est servi d’Evangelion pour essayer de secouer par une thématique de choc les otaku cloîtrés dans leur monde virtuel. A mesure que la série progresse, l’animation sur celluloïd est abandonnée au profit d’expérimentation graphique, qui culmine dans les épisodes 25 et 26. Centré uniquement sur la psychologie de Shinji, l’épilogue mêle les images réelles à une animation volontairement maladroite de crayonnés au marqueur, de plans fixes sur des titres et autres. Anno semble vouloir rompre avec l’illusion référentielle, afin de rappeler qu’Evangelion n’est qu’un anime, une création artificielle. Il rejette volontairement le celluloïd fétichisé par les otaku. Plus encore, le traitement psychique qui conduit le héros à sortir de sa bulle protectrice est pensé comme une thérapie du spectateur, qui s’identifie au personnage fictif.



Evangelion reflète les phénomènes de désengagement social au Japon : l’otaku et l’hikikomori. Dans un premier cas, la personne se caractérise par sa propension à rester chez elle sans s’investir dans la société. Le terme d’otaku au Japon n’a pas le même sens que celui donné en France. Ce qualificatif est péjoratif au pays du soleil levant alors qu’ici il est d’avantage lié à la passion de la culture japonaise. L’hikikomori semble une intensification de ce phénomène. Ce retrait social a longtemps été un problème perçu comme mineur, et négligé aussi bien par le gouvernement que par les organisations sociales. Le terme désigne les adolescents ou jeunes adultes (ne souffrant d’aucune anomalie ou problème psychique) qui se cloîtrent chez eux en refusant de prendre part à la vie social pendant 6 mois et plus. Perçu tout d’abord comme un problème familiale et non comme une question de santé publique, l’hikikomori s’est développé sans que le désarroi des personnes atteintes ou des proches ait pu être soulagé.



Shinji symbolise cette jeunesse désoeuvré et craintive. Certes, son cas n’est pas aussi pathologique que les cas réels, mais son incapacité à lier des rapports amicaux basés sur une confiance mutuelle est emblématique de ces personnes que, ne pouvant supporter la pression sociale, n’on pas d’autre choix que de se replier sur eux-mêmes. C’est cette vision réaliste qui donne toute sa force à Evangelion. De plus, les références religieuses son un point clef du scénario et renforce incroyablement l’intérêt du spectateur. 2007 verra la naissance de 4 nouveaux films basés sur Evangelion et un film live semble toujours en discussion.